On est allé à Atlantic City, 3h30 de voiture de DC et 50 000 habitants… On s’était dit, aller à la mer… En hiver, notre saison préférée pour les délices de la plage. Et cette cité, qui me rappelait les années 50, Frank Sinatra et les mafias. « Bienvenue dans la ville qui ne s’éteint jamais », nous prévient un panneau sur l’autoroute.
On débouche sur le Caesar’s Palace, le royaume des jeux made by Donald Trump. Le promoteur au cheveu vénitien est ici chez lui : Trump Plaza par-ci, Trump Riviera par-là, le Casino Taj Mahal lui appartient également. Vous jouez en ville ? Vous nourrissez Donald. Le décor extérieur des casinos est plutôt marrant, pour moi qui connaissais Le Touquet et Enghien. Pas la folie des grandeurs de Las Vegas, plutôt son cousin de province. Seule petite fantaisie, un quadrige romain…
Sous le soleil d’hiver, la balade sur les planches est paisible. Très peu de touristes, un car de sexas venus craquer quelques billets et dormir dans un Resort…
En tout, cinq kilomètres où on repère, en jetant un œil en l'air, la dizaine de casinos qui essaient d’aspirer les touristes pour ne plus les lâcher jusqu’à expiration de la carte de crédit… Sous les panneaux géants, et au milieu de trouées qui montrent que le temps n’est plus de la gloire d’après-guerre.
Sur un mur de casino, quelques vedettes ont posé leurs empreintes… (mon préféré, Tom Jones… Sex bomb).
A 10h du matin, Sex Machine résonne dans les hauts-parleurs devant les façades de saloons juste repeintes et éclatantes sous le soleil de satin. L'impression d'être à Cinecitta, dans un décor qui va être jeté demain.
Et puis, au milieu des casinos, on tombe sur le monument édifié par le New-Jersey en hommage aux victimes de la guerre de Corée. On le parcourt comme le reste… Paradoxe. Tout est équivalent à tout ? Non, mais tout est juxtaposé ici. Comme Donald Trump, qui n’hésite pas à se frotter en 2000 à une drôle de paroissienne. La reconnaissez- vous ?
C'est Rudy Giuliani, époque Drag queen. Vraiment pas bien pour un Républicain.
Quant au King du football-Kung-fu, il s’autoparodie dans cette pub. Le tryptique final est savoureux comme un bon Dubonnet.
Dès qu’on quitte les planches pour aller vers le centre d’Atlantic City, on arrive sur des dizaines de parkings, des trous dans le sol en attente de fondations, des petits immeubles posés ça et là.
Plan urbain sauvage : Casinos et décors sur le front de mer, puis magasins discount et population noire pauvre sur les avenues parallèles. Les plus riches vivent à l’extérieur de la ville.
Le retour de la revanche de la gloire passée d’Atlantic City est annoncé depuis des années. Le Las Vegas de l’Est devait naître demain avec trois nouveaux casinos et 7 milliards de dollars investis. Mais j’apprends dans le journal local d’hier que les projets prévus pour sortir de terre en 2011 sont en pointillé. Avec la crise du crédit qui touche durablement les Etats-Unis, l’argent est cher à emprunter. Les pelleteuses risquent de ne pas creuser pour un moment.
Nous allons ensuite rendre visite à Lucy à Margate (quelques encablures d'Atlantic City). On ne peut pas monter dedans, on est en hiver, mais l’éléphante de 20 mètres de haut se laisse prendre en photo.
On roule le long de la côte, avec l’impression d’un paysage neutronisé. Absolument personne dans les rues. On est dans un film, maintenant, c'est évident. Sur des dizaines de kilomètres, des maisons à louer pour l’été, identiques, des mobil-homes en vente à 200 000 dollars. "A quelques pas de la plage", disent des centaines de panneaux…
Arrivés au bout de notre route, nous pénétrons dans le State park (5 dollars l'entrée). Encore quelques kilomètres seuls, on lâche la voiture, pour nous promener au hasard, sous un vent glacial… Au bout d'un chemin, on tombe sur une cabane… fabriquée de bric et de barques… Personne. L'homme, sans doute un chasseur de canards, doit venir à l’automne… Des leurres en bois (les collectionneurs américains s’arrachent les plus anciens) regardent au large le bras de mer, presque l'Atlantique…
La chanson du jour : "La Ritournelle" de Sébastien Tellier.
Et la liste des "plaisirs de la plage en hiver"
- Pas grand monde
- On se sent bien, tranquille, dans la nature
- Ramasser des coquillages, des milliers de coquillages nous attendent
- Ne penser à rien ou à pas mal de choses qui s'effacent au moindre coup de vent
- Avoir froid
- Marcher, en baissant la tête, en regardant ses pieds, tout au bord de l'eau, les mains dans les poches
- L'envie de rentrer
- Se souvenir de la dernière fois où on avait froid sur une plage
- Le café chaud, c'est pour bientôt
- Se sentir vivant
(maintenant, à vous de jouer)