Ce vendredi matin, départ pour les Chutes du Niagara pour arroser durant quatre jours mon anniversaire, quarantième moins un.
Etrangeté de la toile. Par un esprit d'escalier (ou de cascade) de recherche par mots clés, tandis que je cherche une vidéo sur les geysers, histoire de voir de l'eau qui monte... Ça change de l'eau qui descend... Je tombe sur une double perle. Un poème sur l'amour, filé sur la métaphore de l'eau et une chansonnette de Vivaldi par la Bartoli.
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L'AMOUR
On vous dira que l'amour est enfant de Bohème, aveugle, sot, éclatant, qu'il est bleu, rose ou verdâtre... Qu'il ressemble à un oiseau blessé, qu'il est solennel comme une porte de cathédrale, qu'il brûle, empoisonne, apaise, irrite... On vous dira même qu'il durcit les coeurs. Vous serez mollement convaincus et oublierez bien vite ces fadaises.
Moi je vous dis que l'Amour, l'Amour, le vrai, l'unique, le beau, le tendre, l'inouï, l'indéfinissable n'est pas une étoile, pas un chemin perdu, pas une musique. Il n'est ni de marbre ni de bois.
L'Amour court sur les toits, plonge dans les gouttières, se répand dans les fosses, s'y vautre, s'évapore jusqu'aux nues, redescend en chute libre, s'écrase contre la gueule des loups, remonte aussi vite au-dessus de nos têtes, retombe sous forme de flocons, s'immisce dans nos cous, s'égare dans nos cheveux, se transforme en particules infiniment ténues, revient et s'abat comme une grosse vague salée dont l'écume dévaste tout, n'épargnant que les rats.
L'amour n'est pas un chien galeux, pas un cygne errant, pas une libellule aux ailes d'argent. Il n'est ni à droite ni à gauche, ni devant ni derrière. Il glisse comme une ombre, se fait oublier à chaque heure qui passe, sursaute avant midi, colle aux semelles, s'en échappe par les trous, fuit de tous côtés, vole au secours des bien-portants. Déroutant, il s'arrange pour se faire réveiller à dates fixes. Prévisible, il sonne comme une cloche fêlée.
L'amour n'est pas une histoire à dormir dans un lit, pas un roman à l'eau-de-vie, pas un poème acide. Il n'est ni blanc, ni gris, ni jaune. L'Amour est un citron peu pressé, une terre battue en neige, c'est une coquille dans un livre qui sert de cale. Il monte quand il faut monter, descend quand il faut descendre, tourne quand il ne faut pas tourner. L'Amour est un âne, une barrique, une bourrasque inique, une barricade "ânesque". Têtu, il transpire à grosses gouttes.
Car enfin l'Amour finit toujours par revenir courir sur les toits, quels que soient ses masques : issu des nuages il recouvre tout, imprègne tout en formant d'inutiles tourbillons que personne ne verra jamais. Invariablement il surgit en geysers minuscules, reprend le chemin des gouttières, retourne à ses fosses pour le seul plaisir de les féconder avant de s'en extraire et lentement grimper jusqu'à son firmament de brumes et d'azur.
Arroser les toits, mouiller les hommes, humecter l'herbe, baver sur le monde, envelopper de brouillard têtes et espaces vitaux, laver les peaux, noyer la planète, tel est le mystère diluvien et infini de l'Amour.
Raphaël Zacharie de Izarra
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La chansonnette du jour donc.